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« Vroum, vroum », c’est le vrombissement de la moto de mon « fils (fils de mon frère) » sur le goudron. Nous venons de Somgandé, un quartier de Ouagadougou et il nous est difficile d’éviter le vaste chantier inachevé de l’avenue……………pour nous rendre à cette gare. Slap, Slap, Zig zag, nous évitons les flaques d’eaux de ce vaste chantier toujours inachevé. A la fin de cette immersion de nos pneus, place à une autre difficulté liée à ce chantier qui s’achève difficilement. La poussière comme un encens indésirable force un passage dans nos narines juste avant la station Totale mitoyenne au Centre d’hébergement de la Fédération des Eglises et Missions Evangéliques (FEME). A vingt mètres plus en avant, la circulation sur cette avenue est encore meilleure. Le bitume présente une harmonie au niveau de sa surface. Dix minutes à circuler sur cette avenue rectiligne et nous voilà en face de la Gare de l’Est de la compagnie S….avec laquelle nous comptons voyager.
Il est 8h à ma montre. Nous sommes le 24 décembre 2018. Je viens d’arriver à la gare dite de l’Est. Une foule grouille autour de ce temple du transport. A peine arrivé, des vendeurs ambiants nous lancent « chef y a unités ». Un appel de pied auquel je réponds « non ça va, j’en ai déjà pris ».
Quelques pas à l’intérieur du lieu et je m’aperçois qu’un beau monde attend de voyager. Sur les bancs, des voyageurs attendent leurs heures de départs. Ils suivent la télé où dévissent avec des proches ou voisins en attendant. Sur ma gauche, j’aperçois une longue file de voyageurs. « Où est-ce qu’on prend le ticket pour Fada », dis-je. « C’est là. Il y a une longue file. Moi, je suis le dernier », répond un jeune homme.
Fada pleure ses morts
Le voyage se déroule bien depuis une heure. Sur les écrans de télé accrochée au haut du car, la musique de nos artistes musiciens mais aussi ceux d’autres pays du monde. L’on ne s’ennuie guère. « Baba nboné… Baba nboné », tels sont entre autres sons de virtuose de notre musique nationale. Le car est confortable et je me laisse dans les bras doucereux de Morphée. Les jours avant mon voyage ont été très éprouvants dans mon service et je me rends à l’évidence que c’est avec juste raison que j’ai pris sur moi de faire un break (congé) en cette période de l’année.
Nous sommes soumis à l’aller à deux contrôles. Le dernier fut à l’entrée de la ville de Fada N’Gourma. Là, le dispositif est apparemment lourd. Le nombre d’agents est quelque peu rassurant. Les tenues sont bien propres et le sparadrap, répugnant pour moi, n’est pas toujours visible sur les armes qu’ils portent. Pour moi, aucune assurance qu’une arme qui est « bandé » puisse bien percuter. « Où on va ainsi ? », me demande l’agent. « Suis en congé et je profite pour aller me former », dis-je. « Bons congés à toi ! ».
Environs deux heures trente de route et me voici à Fada N’Gourma, la capitale de la région de l’Est de notre pays et du royaume du Nungu de l’époque. C’est la veille du 24 décembre et en cette matinée souffle un vent frais qui me pousse à acheter un bonnet pour protéger le reste du corps du froid.
Finalement je suis arrivé dans la capitale de la région du Gourma quasiment dans la soirée, en partance pour Niamey. Pas d’occasion pour faire le direct. Je finis par faire une pause à l’Auberge du 11 décembre. C’est décidé, la Noël, je la passerai en route, à une mission d’étude sur la sécurité en Afrique de l’ouest.
Un taxi-moto me conduit à ma zone de rendez-vous avec un camarade de classe. Après des hésitations sur les structures hôtelières, je finis par choisir. L’Auberge du 11 décembre m’est apparue dès son estrade comme un endroit calme et reposant. Et je n’ai pas hésité. Je suis soumis à un contrôle à l’entrée. L’examen débute. « Sortez les objets de vos deux poches » puis ensuite « levez les bras ». J’ai passé avec succès mon entrée dans cette cour vaste et largement reverdi. Sur ma gauche, à l’entrée principale, des pensionnaires de l’établissement devisent. Dans la cour, un air de propreté se dégage. Les fleurs, des ………………sont méticuleusement taillées. Le pavé est sur sa grande partie propre et quasiment à la même hauteur car on ne constate pas de boursoufflures sur la surface. Un vent frais souffle dans la cour et le froufrou des arbres donne un microclimat qui fouette avec douceur ma peau de sahélien. La sensation est forte et je ne m’en plains nullement.
A dix mètres de la réception, un jeune homme m’accueille tout sourire. « Soyez les bienvenus ». Mes bagages sont alors déposés dans un endroit propre sous le hall. « Vous voulez une chambres », me lance-t-il. « Non je vais attendre d’abord », lui dis-je. Pendant que je passe mon coup de fil Un cordon bleu s’approche de moi. « Trouvez ici le menu monsieur, nous sommes à votre disposition », me déclare-t-il avec le respect qu’aurait un prétendant à son amoureux le cuistot. Je jette un coup d’œil et je choisis en citoyen modeste un « plat acceptable » : des nouilles.
Des visiteurs arrivent et vite une discussion sur les tueries de Forces et de Défense (FDS) de notre pays s’engage. « Si nos autorités sont responsables, il ne devrait pas y avoir de fête dans toute notre région », lance un jeune homme révolté. Je profite pour me renseigner sur les attaques. Ils connaissent Théophane SANKARA, mon jeune poulain assassiné sur le champ de bataille dans cette localité, précisément à Boungou. « C’était notre beau-frère ! », lancent-ils respectivement. A la suite des compagnons d’infortune de Théophane, trois autres soldats sont morts et la région procédait en ce jour à leur enterrement. Mon point focal est au cimetière et je l’attends en vain. A dix-huit heures, un véhicule dit Tout terrain rentre. Il s’agit de celui de la Député Elise THIMBIANO, c’est une ainée que j’ai connu à l’université de Ouagadougou. Elle a le visage terne. Après les présentations d’usage, elle me dit : « reposons-nous, on se retrouve après pour échanger sur l’actualité ».
« Il semble qu’il y a couvre-feu ce soir », c’est ainsi qu’un jeune homme nous informe. Nous nous renseignons et nous finissons par nous rendre à l’évidence qu’il s’agit plutôt de mesure de sécurité. « Non, il n’y a pas de couvre-feu. La messe est prévue pour 16 heures et les FDS seront en alerte seulement », nous lance l’autorité que nous avons contacté. Nous jetons un coup d’œil sur les réseaux sociaux. L’information est confirmée par Mathias TANKOANO, président du Conseil supérieur de la communication (CSC). La messe est célébrée effectivement un peu plus tôt. D’habitude, elle est faite un peu plus tard. Mgr MALGO a insisté sur la Paix et le pardon fondement du message de ce Jésus qui vient symboliquement au monde à cette date et de toute société qui se veut progressiste.
« Descend on est à Makolondi »
Dans la soirée, c’est à peine si j’arrive à échanger avec l’honorable Député THIOMBIANO. Selon les dires de témoins, elle est la seule personnalité officielle venue de Ouagadougou à l’occasion de l’enterrement des soldats. Je tiens à la rencontrer pour lui dire de vives voix mes projets. Mais rentré d’une virée nocturne avec mon camarade de promotion, je le trouve sur le hall de l’Auberge. Mais là, elle est occupée à recevoir des visiteurs. « Ce serait prochainement ! ».
La joie de Noël m’anime tout le long de la nuit. Mais je pense aux jeunes soldats tombés au Sahel comme à l’Est. Comment leurs parents vont-t-ils vivre ces moments de joie alors que les souvenirs encore frais de leurs parents taraudent leur esprit.
Annoncé pour 7 heures trente minutes (ndlr, ce qui m’empêcha de faire la messe solennelle du jour), le car vint à 9 heures trente à l’Auto-gare. « Je ne t’ai pas dit qu’il va finir par venir », me lance le jeune homme qui a enregistré mes bagages. « Mais il n’est pas venu à l’heure, c’était prévu pour 7 heures, c’est de cela que je te parlais. C’est encore cette Afrique laxiste là ! », dis-je mettant fin à nos échanges depuis les premières heures de la matinée.
Le confort du car m’impressionne. Tous les passagers doivent respecter la numérotation sur leur ticket et les couloirs ne sont pas bondés de bagages. « Tous les sacs lourds dans le coffres », nous avait prévenu le jeune homme.
Il est onze heures trente minutes lorsque nous arrivons à Matiakoali, le poste frontalier de douanes. Nous descendons pour un contrôle des bagages gérés par le chauffeur, les convoyeurs et quelques commerçants qui emportent des marchandises et la route se poursuit. Discrètement les personnes étrangères sont convoyées vers un couloir où elles doivent payer des frais. « Moi j’ai payé mille francs », m’a confié un voisin. Et toi ? « Moi c’est deux mille j’ai payé ». Je ne savais pas sinon j’allais mieux discuter le prix » déclare une Nigérienne de nationalité. Quelle intégration pour notre Afrique !
A treize heures nous sommes à Makalondi. Les pièces d’identité sont récupérées « Allez prier et revenez ! », nous lance un Policier en service. Du kilishi au menu et de la viande. « Camille OUEDRAOGO », entendis-je. Et d’ajouter après ma réponse à mon nom « Suivez-moi ! ». Dans le vestibule où je me suis retrouvé seul, le policier, sans doute du renseignement, m’assène « de quelle presse êtes-vous ? », « qu’êtes-vous venus faire dans ce pays ? ». Une série de questions auxquelles je me soumets en attendant seulement qu’il me demande de payer malgré mes papiers en règle. Les références de mes pièces sont enregistrées dans un registre. L’entretien se poursuit avec courtoisie et au bout de cinq minutes il me prie de rejoindre le car. La courtoisie est sans doute la caractéristique des Forces de Défense et de sécurité du Niger.
A un poste à mi-chemin entre Makalondi (frontière Burkino-Nigerienne) et Niamey (la capitale), je suis soumis aux mêmes questions. Mais cette fois avec un accent sur l’organe de presse dans lequel je travaille puis ensuite la liberté d’opinion avec le processus de démocratisation de nos Etats en Afrique de l’ouest. « Vous êtes qui et à chaque fois, on vous appelle avant nous et ça devient une causerie avec les FDS », me lance un compatriote bien curieux. Effectivement à chaque étape de contrôle j’ai été appelé le premier comme pour dire que je suis le mandant d’une institution respectée mais aussi pour mieux arnaquer loin de mes yeux mes « frères » de voyages, même ceux qui ont des documents légaux.
Enfin Niamey !
La frontière avec le Burkina Faso a été mise sous état d’urgence et j’ai bien compris le dispositif sécuritaire particulier et le nombre d’agents à chaque poste le long de notre trajet. Enfin, autour de dix-huit heures, nous arrivons à Niamey. Sur le trajet qui mène à la gare, j’apprécie le fleuve Niger. C’est ma première fois dans ce pays et dans cette capitale !
C’est la fête de Noel, la naissance du Christ et je ne peux rester indifférent étant chrétien. Je décide alors de me rendre en ville pour faire ma fête à ma manière. Vroum, c’est le bruit du moteur de l’engin qui nous transporte en ville mon ami SOB (les initiales de son nom). Le choix de mon guide est porté vers « la Cité chinoise », un endroit où l’on peut se désaltérer et manger des plats locaux.
Mais là également le commerce du sexe est florissant. De Gomorrhe je n’y ai pas goutté croyez-moi ! La suite de ma fête sera animée par des sonorités ivoiriennes, mon pays d’adoption. Pas plus que cela. Joyeux Noël à moi dans ce pays à dominante musulman. Une ou deux fois je suis revenu la journée à la « Cité chinoise », ce coin où des pères de famille nigérien ne veulent pas qu’on les voit et où ils y vont parfois. Un endroit où la Police des mœurs fait des excursions parfois. « Ils m’ont arrêté hier aux abords de la voie », nous a confié une jeune fille. Avant de rallonger la causerie en disant, « ils m’ont fait payer 8 000 francs CFA ». Suis lors une doléance. Je comprends le jeu, il faut quitter les lieux.
Dans ma curiosité, je suis revenu à plusieurs reprises la journée pour chercher à mieux connaitre les petits trafics de la « cité ».
Le retour à Ouaga
30 décembre. Trois heures du matin. Le taxi se stationne à la gare SONEF. Quelques formalités et nous sommes à l’intérieur du car. Partis à quatre heures trente du matin de Niamey, avec mes compagnons de route, nous avons connu moins de barrages de contrôle. Dans le car, des passagers endormis. A six (05) heures du matin, nous étions à Makalondi. Là, encore, après la récupération des cartes d’identité, « Camille OUEDRAOGO, avancez ! ». Pas de question. On me convie dans une salle et on prend mes empruntes et ma carte nationale burkinabè est scannée. Une rapide photo et « bonne reprise de service ».
Etape de Kantchari. « Sortez les bagages », lance un douanier. Visiblement la question sécuritaire ne s’est pas améliorée dans cette zone de notre pays et l’heure n’était pas à plaisanter. Les bagages furent fouillés jusqu’au moindre objet suspect. La suite du trajet nous conduit jusqu’à Tambiboangou. Là, un contrôle de gendarmerie a lieu. Mais au niveau des passagers personne n’a une quelconque irrégularité au niveau de ses documents administratifs. Le trajet se poursuit avec une escale à Fada N’Gourma puis cap sur Ouagadougou. C’est à seize heures que nous arrivons à Ouagadougou mon point de départ.
« Partir, c’est mourir un peu ». En cinq jours passés dans le pays du Président Mahamoudou Issoufou, j’ai commencé à m’habituer aux taximen. A mon sens ils sont plus courtois que les nôtres au Burkina Faso. Des habitudes ont été créées aussi dans quelques petits coins animés où je peux échanger tranquillement avec mes interlocuteurs.
Chaque soir, au restaurant « Koubaini » je pouvais rencontrer un compatriote, T.V qui se faisait le plaisir de me faire des courses. Ce restaurant détenu par un Togolais m’a impressionné par ses sonorités diffusées à niveau acceptable et surtout par la propreté des lieux.
Avant de quitter ce Niger qui devient un pays d’adoption aussi, je ne peux pas ne pas penser à la courtoisie des taximen. Je suis devenu coutumier de « monganoo (Où vas-tu en langue djerma) » qui passait pour du chinois pour moi au début de mon séjour. Je n’oublierai pas aussi ce plat, le « tchoukou », sorte de « gapal » à la nigérienne.
Un de mes souvenirs inoubliables sera mon échange avec Moussa Aksar, Directeur de publication du journal L’Evènement au Niger, un des chantres du journalisme d’investigation en Afrique et co-fondateur de la Cellule Norbert ZONGO (CENOZO) en Afrique de l’ouest qui m’a prodigué des conseils avisés au siège de son journal : « Ecris aux projets et ONG pour des projets en commun. Nous devons vivre de notre métier ! ».
Mais avouons-le ce beau pays, présente des stigmates de sa proximité avec le Nigeria, base de Boko Haram. Sa vaste superficie et le nombre de pays instables politiquement autour de lui (pays frontalier) n’est pas sans effrayer. Va-t-on continuer à laisser des marchands ambulants enturbannés au Niger ? Qui se cache derrière eux ? Des grosses questions foisonnaient dans ma tête lorsque je quittais mon hôtel au quartier Dar es Salam. De toute évidence, il m’est apparu que si le Niger gagne son combat contre Boko-Haram et autres groupes islamistes, la sous-région sera épargnée des défaites armées. La position géostratégique de ce pays est parlante.

Dans ma modeste tête aussi, les débats délicats de la République islamique ou encore sur la laïcité du Niger, la question sensible de l’acceptation des Touaregs dans la nation nigérienne... Ce séjour m’a montré que la plupart de nos Etats en Afrique de l’ouest sont potentiellement vulnérables. Il faut pourtant contenir les hordes de groupes islamiques pour pouvoir enclencher les chantiers de développement. Dieu bénisse l’intégration en Afrique et advienne la colombe de la paix en cette fin d’année me suis-je dis à la frontière à mon retour ! Camille OUEDRAOGO / lesoleil.bf

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