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Publié le 30 janvier 2020
L’Association des journalistes du Burkina (AJB) en collaboration avec ses partenaires a organisé le 21 janvier 2020 le rapport OXFAM sur les inégalités dans le monde. Pour cette année, il s’agit de la toute première conférence publique de la structure de journalistes. Au cœur de la dissémination de ce rapport, un plaidoyer pour réduire la pauvreté dans le monde et attirer le regard des décideurs politiques sur leurs politiques économiques qui méritent d’être revues.

Les inégalités criardes entre riches et pauvres vont tuer le développement dans le monde, c’est le cri d’alarme de l’ONG OXFAM. Elle l’a réaffirmé à l’occasion de la conférence publique qu’elle a organisé le vendredi 24 janvier 2020 à Ouagadougou en collaboration avec ses partenaires. Prenant la parole au nom de sa structure, le secrétaire général de l’AJB, Boukari OUOBA a souhaité que cette tribune soit celle de véritables débats et propositions pour des lendemains meilleurs au Burkina Faso. Sosthène KONATE, Directeur pays de OXFAM, a souligné que le rapport de sa structure est publié chaque fois que se tient le forum économique de Davos. La tradition a donc été respectée cette année. Mais pour lui, ce rapport qui fait référence aussi au Burkina Faso est opportun car il pourrait permettre " d’anticiper sur les discussions qui peuvent avoir lieu en cette année électorale ". Pour lui il s’agit aussi d’attirer l’attention de l’opinion publique sur ce triste constat et qu’elle prenne conscience des inégalités dans le monde et au Burkina Faso en particulier.

Les riches plus protégés par la fiscalité
Des centaines de millions de personnes vivent dans une situation de pauvreté extrême alors que des récompenses astronomiques sont octroyées aux grandes fortunes. Le nombre de milliardaires n’a jamais été aussi élevé, et leur richesse atteint aujourd’hui un niveau record. En parallèle, les personnes démunies le sont de plus en plus. Selon le contenu du rapport, 30% des riches de ce monde se dérobent de leurs responsabilités fiscales. Ils profitent alors pour faire une rentabilité estimée à 7, 4 % sur leur fortune. Les chiffres font froid au dos. " Les 1 % les plus riches de la planète possèdent deux fois plus que les richesses cumulées de 6,9 milliards de personnes. Près de la moitié de la population mondiale vit avec moins de 5,50 dollars par jour ". Beaucoup de gouvernements alimentent cette crise des inégalités. Les multinationales et les grandes fortunes sont sous-imposées, alors que les services publics essentiels, tels que la santé et l’éducation, souffrent d’un manque criant de financement. Ce sont les plus pauvres qui paient le prix de ces politiques. Le coût humain est considérablee ! Les milliardaires du monde se partagent plus de richesses que 4,6 milliards de personnes, qui comptent pour 60 % de la population de la planète. En parallèle, environ 735 millions de personnes vivent encore dans l’extrême pauvreté. Pour beaucoup d’autres, il suffit d’une facture d’hôpital ou d’une mauvaise récolte pour y basculer. Selon le rapport, pour chaque dollar de recette fiscale, seulement 4 centimes proviennent des impôts sur la fortune.
Analysant les chiffres du budget du Burkina exercice 2019, Hermann Doannio, directeur exécutif du CERA-FP, soutient l’assertion selon laquelle, les pressures faibles au niveau des riches expliquent la faiblesse financière et le faible investissement de l’Etat. Par exemple, les sociétés minières ne payent pas leurs dettes liées au fond minier de développement local (FMDL). Quand elles le font, ce n’est pas à temps. Au niveau de la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), elles bénéficient d’exonérations. Or, le contribuable lambda n’en bénéficie pas. L’Etat impose en IS les compagnies et sociétés minières à 7, 8 % alors que le taux normal est de 27, 8 %. Et à l’expert en Finances publiques (FP), Doannio, d’émettre des recommandations à savoir mettre le travail de soin en premier plan, le reconnaitre comme une forme de travail apportant de la valeur ajoutée, procéder à une justice fiscale en imposant à la fois les plus économiquement forts et les moins forts, concéder que ce secteur donne de la voix et propose des remèdes à ses maux.

Le crucifix du travail de soin
Selon le rapport de l’Organisation international du Travail, " prendre soin d’autrui : un travail et des emplois pour l’avenir du travail décent ", La main-d’œuvre du soin à autrui est l’incarnation de la prestation rémunérée de services de soins à autrui. Cette main-d’œuvre comprend : les travailleurs des activités de soin à autrui (éducation, santé et travail social) ; les travailleurs du soin à autrui appartenant à d’autres branches d’activité ; les travailleurs domestiques qui sont employés par les ménages. Elle comprend aussi, dans la branche des activités de soin à autrui, des travailleurs qui ne sont pas des prestataires de soins à autrui, mais du personnel de soutien. Cet ensemble représente une importante source d’emploi à l’échelle mondiale, notamment pour les femmes. Au total, la main-d’œuvre des activités de soin compte 381 millions de travailleurs, 249 millions de femmes et 132 millions d’hommes.
Les chiffres du travail de soin sont importants dans l’économie-monde. On a 10 800 millions de dollars, 42% des femmes en âge de travailler sont dans ce secteur. 80 % des travailleurs de ce secteur sont des femmes, 1/10 bénéficie de la protection sociale, 50 % de ceux-ci ne bénéficient pas de salaire minimum, or les besoins en personnel de ce secteur sont de plus en plus croissants. Par exemple, 2, 3 milliards de personnes auront besoin des services des gens de ce secteur d’ici à 2030. Le pire des constats c’est que dans les ménages comme dans les budgets des Etats, les " coupes budgétaires " liés aux réajustements budgétaires touchent plus le domaine du travail de soin. Dans ce secteur on note également des discriminations basées sur le sexe, l’âge, la couleur de la peau…aggravées par les normes sociales. Au Burkina Faso, par exemple, 59 % des personnes enquêtées pensent que les hommes et les femmes ne doivent pas avoir les mêmes tâches et ne doivent pas être rémunérés de la même façon.
Avec le phénomène cité plus haut, à savoir l’inégalité au niveau de la répartition des richesses, ce sont les femmes et les filles qui en souffrent le plus. Malgré leur énorme contribution à nos sociétés par le biais de leur travail de soin non rémunéré, elles comptent parmi les personnes qui bénéficient le moins du système économique actuel.
Selon Mariam OUATTARA, experte en Genre, les femmes constituent l’une des franges les plus marginalisées dans le processus de répartition des richesses. Aujourd’hui, 258 millions d’enfants - soit 1 sur 5 - n’ont pas les moyens ou le droit d’aller à l’école. Pour 100 garçons en âge de fréquenter l’école primaire qui ne sont pas scolarisés, 121 filles se voient refuser le droit à l’éducation. La peur de taxer les riches a de grandes conséquences sur le développement des Etats. Les services publics s’enfoncent alors dans le dénuement et les privés (des individus fortunés) sautent le champagne et mange camembert. Ils pâtissent d’un manque de financement chronique, ou sont contraints de sous-traiter avec des entreprises privées qui en excluent les moins privilégiés. Dans de nombreux pays, l’accès à une éducation décente et à des soins de santé de qualité est devenu un luxe que seules les personnes les plus riches peuvent s’offrir. Cela a de graves répercussions sur l’avenir des enfants et les opportunités qu’ils auront de vivre longtemps et dans de bonnes conditions. Chaque jour, 10 000 personnes meurent parce qu’elles n’ont pas accès à des soins de santé abordables. Chaque année, 100 millions de personnes sont contraintes de vivre dans l’extrême pauvreté en raison des coûts des soins de santé. "Aucune économie n’est possible sans le travail de soin. Culturellement, la répartition des tâches selon le sexe est à l’origine des inégalités. Quand un homme lave les habits, c’est le pressing et quand c’est une femme, c’est la lessive", dixit Oattara Mariamé, experte en genre.

De la pauvreté à la mort
Dans la plupart des pays, être fortuné permet de vivre plus longtemps et en meilleure santé. Être pauvre, au contraire, est synonyme de mauvaise santé et d’espérance de vie plus courte. Dans les communautés pauvres, l’espérance de vie est dix à vingt fois plus courte que dans les quartiers aisés. Dans les pays en développement, un enfant d’une famille pauvre a deux fois plus de chance de mourir avant l’âge de cinq ans qu’un enfant d’une famille fortunée.
Au sortir des échanges, les représentants de OXFAM ont fait la suggestion suivante :"il faut mettre un terme à l’extrême richesse pour lutter contre l’extrême pauvreté". Ils ont aussi suggéré le respect du travail de soin à autrui et l’assainissement de ce milieu par une rémunération raisonnable. Vu qu’il ressort, un délaissement des services sociaux de base, majoritairement gérés par l’Etat, l’ONG suggère un investissement encore plus grand dans ce secteur. Il va falloir alors travailler sur les budgets publics déclare-t-elle. Vivement que les recommandations issues du rapport sur les inégalités de Oxfam, " celles qui comptent " puissent toucher le cœur et l’esprit des dirigeants pour qu’ils mettent un vrai coup de massue à l’extrême pauvreté à travers le monde. Roger SAWADOGO .

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