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L’assassinat du Maire de Djibo par des hommes armés non identifiés (HANI) a porté un coup dur au développement de la localité et aussi relancé les choses au plan politique. Sa succession va ouvrir le bal des politiciens cagoulés. Reportage dans une ville martyr.

Le sang de son Maire a coulé. Et Djibo porte jusqu’à notre visite un fichu sombre en guise de deuil. Djibo désormais ville-fantôme du fait de nombreux départ de populations hors de la ville, pleure la disparition de son homme politique : le député-maire Oumarou DICKO. Une fois arrivé dans cette ville, l’évidence crève l’œil qu’elle souffre le martyr de son trépident fils. Ce fils qui a marqué ces vingt dernières années la vie politique de cette province du Burkina, frontalière du Mali et en proie à de fréquentes attaques terroristes. En effet, de retour de sa ville natale, l’« homme du secteur 1 » de Djibo a pris sur lui de prendre, dans son véhicule, trois autres passagers en plus du chauffeur pour rentrer à Ouagadougou. Un autre passager moins âgé a dû rester pour laisser la place à ce dernier.

Quatre holocaustes !

Il était environs midi lorsqu’aux encablures du village de Gaskindè surgissent les assaillants de part et d’autres de la voie. Après les premières salves, le chauffeur tente des zigs zags pour échapper aux balles. Les salves se multiplient et le chauffeur accélère mais c’est difficile. Le véhicule fait alors tonneau. Le chauffeur qui est tombé hors du véhicule pendant les acrobaties du véhicule est laissé pour mort car il est inerte. Les assaillants se rapprochent de véhicule et trouvent que le Maire n’est pas mort. « Il aurait eu le temps de dire, laissez-les, c’est moi le député-maire », déclare G.M, un habitant de Djibo, un proche de la famille du Maire.
Les assaillants arrêtent les passagers d’un véhicule en provenance de Djibo. Il ordonne à certains passagers de faire sortir les blessés et de les déposer hors de la route. Quelques secondes plus tard, une salve de tir perturbe le ciel sombre des environs. Le Maire et ses suppliciés sont envoyé ad patres. Avant de quitter les lieux, les Hommes armés non identifiés (HANI) mettent le feu au véhicule.

Un rescapé !

Contrairement aux informations diffusées dimanche 3 novembre, le chauffeur du député maire de Djibo Zakaria Belem n’est pas mort. Il est le seul rescapé de la tragédie. Selon les informations que nous avons pu recueillir sur place, il aurait été laissé pour mort. La réalité est qu’il a été touché à la jambe par balle et était dans un état comateux, sous le coup de l’accident. Que s’est-il passé ? Les assaillants auraient ouvert le feu sur le véhicule pendant que le chauffeur roulait. Il a été atteint par une balle. Ce qui fait qu’il a perdu le contrôle de son véhicule. Au moment d’extraire le député maire et ses compagnons pour être exécuté, le chauffeur était laissé pour mort.

Pourquoi le député a-t-il pris des risques ?
Contrairement à ses habitudes, le Maire a accepté de déposer à Ouagadougou un commerçant qui venait de revenir de la Mecque cette année, un nommé Salif Ouédraogo. Il avait aussi voulu que Yacouba GUINDO, responsable du service Hygiène-assainissement de la commune revoie sa famille à Ouagadougou. Son cousin Adama DICKO dit Yeral est revenu d’Allemagne et c’était aussi une occasion de la ramener à Ouaga après qu’il ait salué la famille, selon les mœurs en Afrique.
Selon les témoignages que nous avons pu recueillir des djibolais, le Maire aimait beaucoup sa commune. Il enrageait de la voir mourir à petit feu suite aux départs des agents de l’administration publique comme privées des suites des attaques récurrents. « Sa dernière déclaration félicitant le Gouvernement pour sa promptitude, il faut la voir en terme de volonté de redonner une vie à sa commune avec un éventuel retour des agents de l’administration », confie A.D, un habitant qui a préféré recueillir l’anonymat. Selon lui, il ne faut surtout pas voir cela comme des éloges à l’actuel gouvernement qui aurait envoyé des militaires. Dans les gargotes de Djibo, l’on raconte que le courage du maire est légendaire. « Il était la seule personnalité à accepter que
Les dés politiques sont jetés !
A la commune de Djibo, que nous avons visité, le nom de DICKO Issa Idrissa est avancé comme futur Maire de la commune. Ce dernier, ex intendant du lycée provincial aujourd’hui à la retraite, n’est rien d’autres que le 1er adjoint au maire décédé. Il est aussi issue du parti de Blaise COMPAORE tout comme ses deux adjoints suivants. De toute évidence, sauf catastrophe, le parti de Blaise COMPAORE reviendra à la tête de la commune. Mais les voies de la politique sont insondables et ce n’est pas Djibo qui n’est pas un laboratoire de la politique. Même si le laborantin en Chef n’est plus de ce monde. Le 1er adjoint au Maire ou encore « intendant » comme l’appellent ceux qui l’ont connu depuis le lycée est aujourd’hui l’intérimaire pour une période de trente (30) jours. Après quoi, des élections devront être organisées. Cet homme filiforme, musulman pratiquant et très réservé par rapport à la politique devra cependant s’y mettre. Parlant de lui, un ex habitant de Djibo déclare « il doit s’assumer parce que ici, il y a une sorte d’alliance inter-ethique tacite qui veut qu’il soit bardé maire. En effet, il est de l’ethnie régnante et ses poursuivants immédiats sont d’une autre ethnie qui a tacitement accepté ce partage de rôles », déclare Oumarou OUEDRAOGO, un ancien ressortissant de la province désormais résident dans une autre ville.

Le nouveau Maire

«  Une chose est certaine, des politiciens de la trempe de Oumarou DICKO, sont rares. C’était un disciple de Machiavel  », commente un jeune de la ville. Son parti d’origine le sait. Lui qui a décrété trois jours de deuil dès le lendemain de l’assassinat. « C’est avec une très grande tristesse et consternation que j’ai été informé du décès tragique du Député-Maire de Djibo, notre camarade Oumarou Dicko, élu sous la bannière CDP, ainsi que de ses trois compagnons d’infortunes, Yacouba Guindo, Zakaria Belem et Adama Dicko lâchement assassinés par les ennemis de notre peuple  », écrivait le président de son parti d’origine dans un communiqué. Eddie Komboïgo, saluait la mémoire d’ « un grand homme politique, maire de la commune de Djibo depuis 1995, secrétaire général de l’ODP/MT de 1989 à 1996 et du CDP de 1996 à 2019 ». Dans le communiqué aussi l’homme de Yako salue le patriotisme et le courage de l’homme que certain appelaient aussi « tonton Yeral ». Morceaux choisis : « Malgré les menaces de mort qui pesaient sur lui, il a refusé d’abandonner ses administrés à leur triste sort. D’ailleurs, c’est en revenant d’une rencontre politique avec les populations qu’il aimait et défendait tant, qu’il est tombé sous les balles assassines », révèle le communiqué. La ville pleure le fils d’une descendance royale fait d’alliance entre Pobé-Mengao et les « Peuls Gelgoobè  » venus du Mali. Compagnon de la révolution sankarienne en tant que responsable du Comité de défense de la révolution (CDR) de Djibo, Oumarou DICKO a rejoint le camp de Blaise COMPAORE après le 15 octobre. Il a assuré le monopole politique et la victoire de ce parti dans sa province, pour laquelle il était responsable. Frappé en 2015 par la Délégation spéciale (alors qu’il était le plus vieux maire même jusqu’à sa mort, ndlr), il est revient à la tête de la commune grâce à des techniques politiques dont lui seul sait le secret. Arbinda à la dernière minute a garanti son accession comme Maire ! C’est ce dernier que la province du Soum et précisément Djibo pleure dans ses moindres recoins. Son véhicule immolé resté aux encablures de la ville là où il a été tué montre le martyr de la ville et sonne comme un monument à lui dédié. Oumarou DICKO a été enterré à son domicile le 4 novembre devant une population sortie nombreuse pour lui dire au revoir et aussi en présence du ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Siméon SAWADOGO et de sept (07) députés de la Nation.
Point encourageant, les survols d’avions et les tirs dans la nuit ont considérablement dimunié à Djibo depuis notre dernière visite ! Espérons que l’holocauste du Maire soit à l’instar du Christ. Salvateur pour les siens !
De notre envoyé spécial Camille OUEDRAOGO
Publié le 3 décembre 2019

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