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Musique : Kalam ose avec ‘’woub-ri’’

Ce n’est pas parce que tout le monde ne le fait pas que c’est interdit. Certaines pratiques qui, dans l’imaginaire populaire, sont interdites aux femmes, sont le plus souvent le résultat de mythes longtemps entretenus, sans véritable raison. Par exemple, pourquoi elles ne joueraient pas du Kundé, instrument traditionnel ? En tout cas, une jeune artiste burkinabè en a fait son instrument de prédilection qu’elle joue à la perfection. Kalam, c’est son nom. Nouvelle venue dans l’univers musical burkinabè, elle a présenté son album de huit titres dans la soirée du 11 octobre 2018 à Ouagadougou.

Kalam ne dévoile toujours pas son visage. Le public se contente de sa voix, depuis la Fête de la musique, le 21 juin 2018, quand elle a fait sa première véritable apparition à la Place de la nation. Ce 11 octobre également, date de la sortie de son premier album, elle est venue voilée. Comme une mariée. Elle ne pipera pas mot durant toute la soirée. « Viendra le moment où tous ces mystères seront levés », rassure son producteur et manager Kosta Thegawendé, pour qui chaque artiste a le droit d’avoir sa singularité, et ne pas faire comme tout le monde. La vision est concédée.
D’abord danseuse du rythme « salou » puis de musiques modernes, dans une ancienne vie, la jeune artiste va parcourir la sous-région, l’Espagne, puis la Guadeloupe quand elle rencontre des professionnels de la danse contemporaine comme Irène Tassembédo, Salia ni Seydou... Mais sa carrière de chorégraphe est arrêtée à cause d’un problème de genou. En 2007, elle répond à l’appel de la musique et commence à faire ses armes.

Elle se nourrit à la source de la regrettée Djata Ilebou, de Aloys Nikiéma, professeur de musique à l’INAFAC, et de Bill Aka Kora, le roi du Djongo. Pendant la construction de son identité musicale, Kalam veut jouer un instrument de musique, le Kundé, qui, dans la tradition moagha et aux yeux de plus d’un, ne doit pas être tenu par une femme. D’ailleurs, les professeurs engagés pour lui apprendre à jouer l’instrument fuient les uns après les autres, juste après la première séance de transmission du savoir. Mais la « Kundé woman » ne désarme pas, et finira par rencontrer Boubacar Djiga, émérite instrumentiste du groupe Kundé Blues. C’est avec ce dernier qu’elle domptera le Kundé.

Pour lever toute équivoque et avoir l’esprit tranquille pour créer, Kalam et son staff vont voir le Mogho Naaba. Le gardien des traditions ne trouve pas d’interdit, mieux, il donne ses bénédictions.

L’opus de huit titres est intitulé « woub-ri » (Education). L’œuvre est au carrefour entre la tradition et la modernité. « Bibeiga » (délinquant), « Nonglom pang ya wend panga » (la force de l’amour est la force de Dieu), « Kand’m (le mariage)... ce sont entre autres les titres que l’on retrouve dans ce premier opus. L’album a été arrangé par des noms assez connus comme Sam Etienne Zongo, Salif Mamboué, Eliezer Oubda. L’amour, le pardon, la solidarité, l’unité sont les thèmes de prédilection de l’artiste qui chante essentiellement en langue nationale mooré.

Le gotha du monde de la culture s’est mobilisé pour accueillir la pogpala (nouvelle mariée) de la musique burkinabè. « On m’a présenté une dame qui ose jouer un instrument qui, dans la société traditionnelle, est pratiquement interdite aux femmes. Je pense donc que c’est une combativité et il faut l’accompagner parce qu’elle a de l’avenir », a expliqué Valérie Kaboré, la secrétaire générale du bureau consulaire de la Chambre de commerce du Burkina, marraine de la dédicace de l’album.

Kundé en bandoulière, Kalam a savouré un bout de son talent en live. Il faut noter qu’en même temps qu’elle joue du kundé, elle joue également à la calebasse déposée au sol, avec son pied.
Tiga Cheik Sawadogo
Lefaso.net

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