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Politique
Valère Somé et la Révolution d’août honorés

Le Comité d’hommage à la pensée politique de Valère Somé et de la Révolution d’août 1983 a organisé l’an 2 de la disparition du maître à penser du régime de Thomas Sankara. A l’occasion, un hommage lui a été rendu en présence de ses parents, amis et connaissances.
« Ma vie se poursuit et je nourris l’espoir d’en être satisfait », peut-on lire comme déclaration de Valère SOME reprise sur une banderole par les organisateurs de ce panel sur la pensée de cet idéologue. A elle seule, cette assertion plantait le décor de ce panel hommage.

L’homme a vécu en défendant et assumant ses idées. Quoi de plus normal que de lui rendre hommage par les idées. Aussi on peut dire que les organisateurs de ce panel ont vu tout juste en le plaçant au cœur de la commémoration de la disparition de ce grand homme.
Sur la table de la pléiade, Anselme Kammanl LALSAGA, doctorant en histoire politique qui prépare une thèse sur la période révolutionnaire, Guy Hervé KAM, juriste, porte-parole du mouvement Le Balai Citoyen, Professeur en économie Talaridia THIOMBIANO et Fidèle TOE, ancien ministre de la Fonction publique sous Sankara. Chaque paneliste devant aborder la problématique sous l’angle de sa spécialisation.
Abordant la politique de Défense et de sécurité du temps de la révolution d’août 1983, Anselme LALSAGA relèvera que cette politique était basée sur le peuple. « Les CDR servaient de cheville ouvrière de ce système de Défense et de Sécurité », précise-t-il. Les révolutionnaires d’août 83 pensaient que si le peuple assure lui-même sa sécurité, le maillage serait assez optimum. Le lieu d’exercice de la gouvernance sécuritaire est la permanence des Comités de Défense et de sécurité (CDR). Ces CDR étaient composés de volontaires, de sympathisants, de militants de première heure…Parmi eux et à eux s’ajoutent, les éléments militairement formés. « Ils sont dans les villages, les communes et les provinces… et contribuent aux renseignements. Ils font partie des patrouilles dans les coins les plus reculés ». Les Révolutionnaires d’août, avec Valère à leurs côtés, ont fait d’une impérieuse nécessité l’assainissement de la vie publique. La corruption était dénoncée publiquement. Les procès étaient retransmis à la télé. Pour que justice soit dite il n’y avait pas que les fameux TPR qui inspiraient parfois la crainte, il y avait aussi les Tribunaux populaires de conciliation (TPC).
Pour Maître Lalsaga, les infiltrations de voleurs dans les rangs, le zèle des CDR vis-à-vis de la population et des agents publics des structures classiques de Défense et de Sécurité (Police, Gendarmerie, Militaire…) ont constitué le Talon d’Achille du système sécuritaire pendant la Révolution et même du régime.
Me Guy Hervé KAM succèdera à LALSAGA et le rejoindra sur certains points. « La Révolution d’août 83 va asseoir une Justice non pas au profit d’une minorité mais une justice à laquelle participe la majorité, c’est-à-dire le peuple. Avec l’avènement de la Révolution burkinabè, il n’y a pas que les tribunaux populaires de la Révolution qui dénonce les grands détournements de deniers publics, il y a aussi les TPC qui se retrouvent dans chaque secteur et village. On retrouve aussi les Tribunaux populaires d’appels au niveau des provinces…
« Avec les Révolutionnaires d’août, la distance psychologique entre les Justiciers et le justiciable sera brisée. C’était plutôt une justice ancrée dans le peuple (…) une justice basée sur les valeurs africaines », soutient-il. Ainsi les Tribunaux de conciliation ont pour but d’éduquer, des récupérer le citoyen d’où la notion de « correction » qui existe dans la Justice actuelle mais qui est peu expérimentée. Les Révolutionnaires n’inventent pas que le droit, ils inventent aussi la Justice. Ainsi si au début du processus de réforme de la Justice on demande à l’accusé de comparaître « sans l’assistance d’avocat », cette réalité est vite réparée. Des « songda » qui sont des avocats fonctionnaires. Selon l’avocat, l’un des atouts qu’on peut reconnaître au régime des quatre leaders historiques, c’est que les procès étaient diffusés et les sanctions étaient symboliques. Et à l’homme de droit de s’offusquer, « il n’y a pas de raison que les avocats et chercheurs burkinabé puissent avoir accès aux archives du procès de Nuremberg et qu’a contrario le procès du putsch manqué ne soit pas diffusés en direct sur les médias ».
Pr Talardidia THIOMBIANo abordera les chantiers économiques de la Révolution d’août. « Les révolutionnaires ont fait le constat de la situation de misère de notre pays », dira-t-il d’entrée. Cette situation selon le patron CIRDES était faite de crises alimentaires fréquentes rendues possible par les aléas climatiques. Le taux de mortalité infantile était de 180 pour mille (180°%), l’Esperance de vie de 40 ans, l’analphabétisme de 95% de la population. Au plan de la couverture sanitaire, on avait 1 médecin pour 50 000 habitants. A cette époque ajoutera-t-il le budget était alimenté par 80% des impositions. « Le seul site dans l’industrie extractive était Poura », martèle le Professeur d’économie.
L’un des avantages c’est que le modèle économique était centré sur les forces de l’intérieur. C’était la théorie du développement endogène, autocentré et auto-entretenu. Un modèle prôné par des économistes comme Samir Amin. Contrairement à aujourd’hui, les actions de la Révolution visaient à développement concomitamment l’Agriculture et l’Industrie. On pouvait noter à l’époque les Groupements d’intérêts économique (GIE) et les Faso Yaars. Pour lui, il faut appliquer aujourd’hui encore ce modèle car la question capitale lorsqu’on produit est « à qui la production est-elle destinée ? ». D’où la nécessité de développer l’industrie aux côtés du secteur primaire. Le CNR a eu l’avantage de pratiquer l’auto-ajustement ce qui n’a pas plu aux institutions de Bretton Wood qui ont décidé d’arrêter leurs financements. A cela la Révolution répondra par l’investissement dans le capital humain et la mobilisation populaire autour des grands chantiers de développement. La réussite de cette politique économique était due à la réduction drastique du train de vie de l’Etat. « Aucune institution internationale ne doit dicter sa vision au peuple (…) celui qui vous donne vous dicte forcement ses volontés », a-t-il repris en substance ce que le leader de la Révolution, Sankara disait au peuple et à ses plus proches collaborateurs. La vallée du Sourou, le chemin de fer Ouaga-Tambao… sont autant d’exemples de réussite de la politique économique.
L’Ancien ministre de Thomas Sankara, Fidele TOE abordera le fonctionnement de l’Administration publique. La loi 022/An de 1959 régissait les Fonctionnaires au début du régime Sankara. Les Magistrats et les militaires n’étaient pas concernés par cette loi. Les fonctionnaires qui servaient en milieu rural étaient mieux traités que ceux en service en zone urbaine. Avant le CNR, les notations des Fonctionnaires étaient faites par le ministre. Les supérieurs dans la chaine donnaient que leurs avis et le dernier mot revenait au ministre qui, la plupart du temps, ne connaissait même pas l’agent pour bien l’évaluer. Il y avait de gros risques de subjectivité qui planaient. Le CNR mettra fin à cette réalité car les supérieurs hiérarchiques immédiats étaient ceux qui pouvaient mieux connaître l’agent public à évaluer (notation).
Un autre acquis du CNR, selon l’ex ministre de la Fonction publique de Sankara, c’est que la Déclaration de Biens était une obligation pour tous les ministres et Haut-cadres du régime. « J’ai même eu l’impression que j’étais plus riche que Blaise COMPAORE, N°2 du régime le jour de notre déclaration de biens », dira-t-il avec ironie. La création de la Caisse Autonome de Retraite des Fonctionnaires (CARFO), l’Organisation de la Santé des Travailleurs (OST), l’organisation du secteur informel, l’institution des Conseil d’administration du secteur ministériel et même des CAM qui regroupaient tous les ministères… sont autant d’atouts qu’il faut capitaliser et engranger pour un bon fonctionnement de notre administration publique.
L’un de témoignages poignants aura été celui de Germaine PITRIOPA, militante et de l’Union pour la Renaissance Sankariste (UNIR/PS) et compagnon de lutte de Valère SOME et de Thomas SANKARA. « Valère était un féodal. Pas dans le sens d’un défaut mais d’une qualité car c’est cette féodalité qui a permis que la Révolution d’août ait lieu. C’est cette rigueur et cette féodalité qui a permis que nous ayons une bible comme le Discours d’orientation politique (DOP). C’est cette féodalité qui a fait que Dieu a mis sur leurs chemins respectifs le génie politique qu’il est aux côtés du génie idéologique qu’est Sankara », a-t-elle ajouté non sans suscité de l’émotion chez la jeune génération. « Nous l’avons fait venir de Dakar pour combattre le courant adverse. Nous n’avons pas fait un mauvais casting car nous avons damé le pion désormais à ces derniers », ajoutera-t-elle. A la question des enseignants dégagés de la Révolution, elle dira qu’il s’agit d’un règlement de compte entre le Parti africain de l’Indépendance (PAI) et le Mouvement de libération national (MLN) qui dirigeait le ministère de l’Education à l’époque. Le premier cité voulait se venger d’avoir été éjecté du CNT et alors que le MLN y était toujours aux côtés du CNR. La jeune génération a beaucoup appris des aînés qui n’ont pas manqué de faire connaître Valère Somé et son « génie militaire et idéologique » qu’est Thomas Sankara ! Roger SAWADOGO.

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