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L’Etat d’urgence : que peut-on dire ?
Les attaques de nature terroristes se sont multipliées au Burkina Faso obligeant l’Etat central à prendre des mesures d’urgence exceptionnelles pour garantir la paix et la quiétude sociales. Dans cette période sommes toute nouvelle pour notre pays, des libertés sont restreintes et des populations se plaignent de la réduction de celles-ci. Dans cet article nous revenons sur la définition et les implications de ce concept.
Etat d’urgence est une mesure exceptionnelle prise par un « Etat central » ou « pouvoir central » dans une zone donnée pour mieux rétablir la quiétude sociale. Dans ce cas, le pouvoir central « arrache » ses pleins pouvoirs aux détriments des « pouvoirs locaux ». Le niveau local peut percevoir, à son corps défendant (malgré lui), une restriction de libertés.
L’Etat d’urgence réduit également les pleins pouvoirs de la presse.
Une tentative de définition
L’état d’urgence est une mesure prise par un gouvernement en cas de péril imminent dans un pays. Certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme la liberté de circulation ou la liberté de la presse.
Relation avec le droit international
L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de l’ONU de 1966 régule au niveau du droit international l’état d’urgence. Il dispose en particulier que :
« 4.1 Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l’existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les États parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l’exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent Pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu’elles n’entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l’origine sociale. (...)
4.3 Les États parties au présent Pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l’entremise du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, signaler aussitôt aux autres États parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations. »
Le Comité des droits de l’homme de l’ONU peut examiner les éléments constitutifs du danger public invoqué et éventuellement solliciter l’élaboration de rapports spéciaux. Il a élaboré en 1981 une déclaration relative à l’interprétation de cet article. L’Égypte, entre autres, a ainsi été à plusieurs reprises épinglée pour son état d’urgence continu depuis au moins 1981.
La proclamation de l’état d’urgence ne permet pas de déroger à certains droits fondamentaux et interdictions absolues, dont en particulier le « droit à la vie », l’interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, l’esclavage et la servitude et la « liberté de penser, de conscience et de religion ».
La Convention européenne des droits de l’homme contient des dispositions dérogatoires du même type, mais ont été appliquées d’une manière beaucoup plus rigoureuse, comme en témoigne la dérogation demandée par le Royaume-Uni après le 11 septembre 2001.
De l’Etat d’urgence au Burkina Faso
Article 58 : Le président du Faso décrète, après délibération en Conseil des ministres, l’état de siège et l’état d’urgence.
Article 59 : Lorsque les institutions du Faso, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements sont menacées d’une manière grave et immédiate et/ou que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels est interrompu, le président du Faso prend, après délibération en Conseil des ministres, après consultation officielle des présidents du Sénat, de l’Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, les mesures exigées par ces circonstances.
Il en informe la Nation par un message. En aucun cas, il ne peut être fait appel à des forces armées étrangères pour intervenir dans un conflit intérieur. Le Parlement se réunit de plein droit et l’Assemblée nationale ne peut être dissoute pendant l’exercice des pouvoirs exceptionnels.


Voici le décret d’application
Le Président du Faso, Président du Conseil des ministres,
Vu la Constitution notamment en ses articles 58 et 101 ;
Vu le décret n° 2016-001/PRES du 06 janvier 2016 portant nomination du Premier Ministre ;
Vu le décret n°2018-0035/PRES/PM du 31 janvier 2018 portant remaniement du Gouvernement ;
Vu le décret n° 2018-0272 /PRES/PM/SGG-CM du 12 avril 2018 portant attributions des membres du Gouvernement ;
Vu la loi n° 14-AL du 31/8/59 organique sur l’état d’urgence ;
Le Conseil des Ministres entendu en sa séance extraordinaire du 31 décembre 2018,
DECRETE :
Article 1 :
L’état d’urgence est déclaré, à compter du 1er janvier 2019, à zéro heure, dans les zones ci-après du territoire national :
• Région de la Boucle du Mouhoun : les provinces de la Kossi et du Sourou ;
• Région du Centre-est : la province du Koulpélogo ;
• Région de l’Est : les provinces de la Gnagna, du Gourma, de la Kom|ndjari, de la Kompienga et de la Tapoa ;
• Région des Hauts-bassins : la province du Kénédougou ;
• Région du Nord : la province du Lorum ;
• Région du Sahel : les provinces de l’Oudalan, du Séno, du Soum et du Yagha.
Article 2 :
L’état d’urgence emporte pour sa durée l’application de l’article 3 de la loi n° 14-AL du 31/8/59 susvisée.
Le Ministre en charge de l’Administration territoriale, le Ministre en charge de la Sécurité et le Gouverneur de région, sous réserve de l’autorisation expresse de sa hiérarchie, peuvent dans les zones où l’état d’urgence est en application :
1°) interdire la circulation de personnes ou de véhicules dans des lieux précis et à des heures fixées par arrêté ;
2°) autoriser des perquisitions dans les domiciles des citoyens à toute heure. Le Procureur du Faso territorialement compétent est tenu informé sans délai de cette décision. La perquisition est conduite en présence d’un officier de police judiciaire. Elle ne peut se dérouler qu’en présence de l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins ;
3°) ordonner la remise des armes et munitions ou faire procéder à leur recherche et à leur enlèvement ;
4°) interdire les publications quel que soit le support, et les réunions de nature à inciter ou à entretenir la radicalisation et l’extrémisme violent.
Le Ministre en charge de l’Administration territoriale peut prendre toute mesure pour assurer l’interruption de tout service de communication au public favorisant la commission d’actes de terrorisme ou en faisant l’apologie.
Article 3 :
La divulgation et la publication des informations de nature militaire sont formellement interdites sous quelle que forme que ce soit.
Article 4 :
Nonobstant l’état d’urgence, les citoyens continuent d’exercer tous ceux des droits garantis par la Constitution dont la jouissance n’est pas suspendue par les dispositions précédentes.
Article 5 :
Les infractions de nature terroriste commises pendant la période de l’état d’urgence sont confiées à la justice militaire.
Article 6 :
Le non-respect des mesures prescrites par le présent décret est puni conformément à l’article 4 de la loi n°14-AL du 31/8/59.
Article 7 :
Le présent décret entre en vigueur à compter du 1er janvier 2019, à zéro heure.
Article 8 :
Le Premier Ministre, le Ministre de la Sécurité, le Ministre de la Défense nationale et des Anciens Combattants, le Ministre de la Justice, des Droits Humains et de la Promotion Civique, Garde des Sceaux, le Ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’application du présent décret, qui sera publié au Journal officiel du Faso.
Des cas d’état d’urgence en Afrique
Au Burkina Faso l’état d’urgence a été déclaré le 31 Décembre 2018 suite à des attaques continues dans la région du nord.
En Algérie l’état d’urgence a été en vigueur pendant dix-neuf ans ; mis en place le 29 février 1992, au départ pour un an, il a été levé le 24 février 2011.
En Égypte l’état d’urgence était en vigueur depuis 1981 après l’assassinat du président Anouar el-Sadate et l’arrivée au pouvoir de Moubarak. Il est levé 31 ans après en mai 2012. Il est rétabli en 2017 à la suite des attentats du dimanche des Rameaux.
Au Mali, l’état d’urgence est déclaré du 12 janvier au 6 juillet 2013, après l’offensive lancée vers le Sud par des groupes islamistes armés.
En Tunisie l’état d’urgence est en vigueur lors de la Révolution tunisienne, à partir de janvier 2011 et levé en mars 2014. Puis après l’attentat de Sousse, en juin 2015, le président Béji Caïd Essebsi décrète l’état d’urgence dans tout le pays pour faire face au terrorisme.
Au Nigeria, en mai 2013 à la suite d’attaques de Boko Haram, le président Goodluck Jonathan déclare l’état d’urgence dans trois États du pays. Olusegun Obasanjo avait déclaré l’état d’urgence précédemment, en 2004 et 2006. Cette situation prend fin le 20 novembre 2014 n’ayant pas été renouvelée par le parlement qui en constate l’inefficacité sur la vague de violences.
Le 8 août 2014, à la suite de l’épidémie de la fièvre ébola, l’état d’urgence est décrété au Nigeria. Au Libéria la présidente Ellen Johnson Sirleaf fait de même avec l’état d’urgence décrété pour 90 jours.
Guinée : 13 août 2014 — à la suite de l’épidémie de la fièvre ébola.
Au Tchad et au Niger dans la région de Diffa, en novembre 2015 l’état d’urgence est instauré après des attaques de Boko.

Synthèse de Camille OUEDRAOGO.

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