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Un migrant sur trois dans le monde s’exile vers l’Europe. Quand on sait qu’il y avait plus de 250 millions de migrants dans le monde en 2017, le chiffre est vertigineux. Mais il témoigne surtout de l’aspiration de millions de personnes à une vie meilleure, de leur quête d’une éducation, d’emplois et de soins de santé de meilleure qualité, ou tout simplement d’un lieu de vie plus sûr.

La plupart des migrations répondent à des motivations économiques. La main-d’œuvre se déplace d’un marché à l’autre et quand le revenu des travailleurs migrants augmente, les employeurs comme les consommateurs en profitent. En effet, une fois bien installés dans le pays de destination, ces migrants instruits et qualifiés deviennent parties prenantes de la société et contribuent à stimuler la productivité et à générer de la croissance pour l’économie locale.


Mais qu’est-ce que tout cela signifie pour les pays que les migrants laissent derrière eux ?

Trop souvent, quand nous parlons de migration, nous en considérons les impacts sociaux et économiques du point de vue des pays de destination. Le débat public tend à réduire la question de la migration à un ensemble de chiffres et de conséquences à court terme sur l’emploi, les salaires et les services sociaux. Ce sont là des questions importantes, certes, mais nous ne devrions pas ignorer les raisons pour lesquelles ces personnes quittent leur pays.
Examinons le cas des Balkans occidentaux, une région qui connaît des taux d’émigration extrêmement élevés. Près de 50 % de la population de Bosnie-Herzégovine émigre. En Albanie, c’est 40 %. Au total, plus d’un tiers des citoyens de ces deux pays et de Macédoine du Nord ayant fait des études supérieures vivaient à l’étranger en 2017.
Les départs persistants de personnes instruites et qualifiées font peser une lourde charge budgétaire sur les pays d’origine, ce qui se répercute sur la productivité économique et le développement de services publics essentiels, notamment la santé et l’éducation. D’ailleurs, de nombreux pays s’efforcent d’inverser la tendance migratoire.

La fuite des cerveaux atteint même des États membres de l’Union européenne : près d’une personne diplômée et très qualifiée sur cinq quitte la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie pour tenter sa chance à l’étranger.
Alors, existe-t-il un remède à cet exode des cerveaux ?
Avant tout, nous devons admettre qu’une émigration persistante est en général le symptôme, et non la cause, d’un problème sous-jacent. Les gouvernements devraient donc s’attaquer à ces enjeux de fond en adoptant des politiques à long terme visant à améliorer la gouvernance, à consolider les institutions et à renforcer la qualité des services publics. Mais il existe aussi d’autres mesures spécifiques auxquelles les dirigeants des pays d’origine devraient réfléchir.
Par exemple, accroître la productivité et offrir des salaires plus compétitifs dans les métiers fortement qualifiés - dont beaucoup relèvent du secteur public - inciterait les professionnels à rester dans leur pays. Parallèlement, le développement du secteur privé et la création d’emplois doivent s’accompagner de réformes du secteur public, sans lesquelles les personnes hautement qualifiées continueront à émigrer.
Autre piste importante, même si d’aucuns craignent qu’elle ne favorise encore plus l’émigration et des pertes supplémentaires : enrichir et améliorer l’offre de formation dans l’enseignement supérieur. Plusieurs pays, dont la Roumanie et la Croatie, se sont déjà engagés dans cette voie pour éviter que leurs étudiants partent à l’étranger en quête d’une formation universitaire de meilleure qualité.
Il est également essentiel de lutter contre la discrimination à l’égard des femmes sur le marché du travail. Parmi toutes les catégories de migrants, la main-d’œuvre féminine très qualifiée est celle qui connaît actuellement l’essor le plus rapide en Europe et Asie centrale. Garantir davantage de débouchés aux femmes entraînerait donc naturellement une diminution de l’émigration des femmes hautement qualifiées et aiderait les pays à ralentir la fuite des cerveaux.

Une autre option possible consisterait à développer la connectivité pour que les pays d’origine puissent retirer des bénéfices économiques d’une diaspora importante. En effet, les émigrés qui restent activement attachés à leur pays peuvent avoir un impact positif sur leurs communautés d’origine grâce aux envois de fonds, aux investissements et aux transferts de technologie.
Par ailleurs, il apparaît que les États disposent aussi d’un levier efficace pour encourager leurs concitoyens hautement qualifiés à revenir au pays : offrir des incitations fiscales au retour. Cette approche prometteuse permettrait de soutenir la croissance économique, en particulier lorsque les migrants reviennent avec des capitaux et des connaissances, et lorsque le pays d’origine leur assure des conditions de retour adaptées pour qu’ils puissent utiliser pleinement leurs compétences et leur expérience.
Néanmoins, le moyen le plus efficace à long terme pour endiguer la fuite des cerveaux est avant tout de dissuader les citoyens de quitter leur pays en leur donnant une raison de rester, c’est-à-dire en leur assurant de meilleurs emplois, davantage de perspectives et un niveau de vie plus élevé.
BIO SUCCINT DES AUTEURS :
Asli Demirgüç-Kunt
Économiste en chef à la Banque mondiale pour la Région Europe et Asie centrale

Cyril Muller
Vice-Président, Europe et Asie centrale

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