hk

Interview de Tamboura Aboubakar Sidiki (TAS)
Ex travailleur des mines devenu aujourd’hui icône de la société civile de la province du Soum (une des provinces de la région administrative du Sahel burkinabè la plus touchée par des actes terroristes), Sidiki a été de presque tous les combats de la jeunesse de cette zone. Des mouvements pour une revalorisation des traitements salariaux des nationaux à la mine en passant par le plaidoyer pour une libération de Docteur Arthur Kenneth Elioth (ndlr, docteur australien pris en otage dans la zone) à celle relative au projet de bitumage du tronçon Kongoussi-Djibo. Votre journal a bien voulu lui donner la parole (entretien, pas une interview, ndlr) afin de mieux appréhender les questions d’extrémisme violent et de conflits dans le Sahel burkinabè en rapport avec l’insuffisance d’infrastructures.

Le Soleil : Comment appréhendez-vous les actes terroristes perpétrés au Soum en particulier au Burkina Faso en général ?

TAS : La question sécuritaire est depuis trois ans devenue le goulot d’étranglement de la région du Sahel et Burkina en général. Il n y a pas un secteur qui n’a connu l’impact de cette situation. De nos jours, une école sur cinq est fermée dans cette localité, les centres de santé sont de moins en moins fonctionnels au vu des risques d’attaques, les marchés ne sont plus fréquentés comme à l’accoutumé ; l’administration publique n’existe pratiquement plus dans la plupart des communes. De plus en plus les populations se déplacent massivement vers le chef-lieu de la province pour se mettre à l’abri. Plusieurs villages ont vu leurs habitants se vider. En un mot, l’éducation, la santé, l’économie tout est en berne dans cette localité. La menace est d’autant plus grande car tous les jours des excursions des bandes armées se font à répétition. Dans cette lutte contre le terrorisme, les populations sont entre le marteau et l’enclume. D’un côté les militaires qui dans le ratissage commettent parfois des bavures et de l’autre côté les hommes armés non identifiés qui les accusent parfois de collaboration.

Peut-on établir sans risque de se tromper un quelconque lien entre l’insuffisance d’infrastructures dans votre province d’origine et la facilité avec laquelle les jeunes sont cooptés dans les groupes armés terroristes !

A mon humble avis, je pense que l’insuffisance d’infrastructure de base a pesé peu dans les causes de la radicalisation des jeunes.
Le Sahel est à vocation une zone d’élevage. Les populations ont toujours préféré l’envoi des enfants dans les écoles coraniques que celles classiques et laïques. Avec le temps, les changements climatiques, les sècheresses qu’a connues cette zone, ont décimé le troupeau de plusieurs familles obligées de se reconvertir en berger pour les troupeaux des autres. Certains ont tenté de s’adonner à la terre pour se nourrir en se taillant de l’espace dans la forêt avec des fortunes diverses.
Avec l’avènement des sites aurifères et la colonisation de ces terres par les compatriotes venus de l’intérieur du pays et qui travaillent plus les cultures des champs, certains se sont vus retirer ou être obliger d’abandonner la terre. Du coup, les nouveaux arrivants ont vite fait fortune et se sont rapprochés plus de l’administration.
Les populations autochtones de plus en plus démunies, frustrées, exploitées parfois par des fonctionnaires véreux de l’administration, sans la moindre possibilité de se plaindre ont longtemps rongé le frein en attendant l’occasion pour se révolter.
La création et le recrutement des groupes armés a été une aubaine pour la plupart de se venger et se donner une raison de vivre. Pour d’autres, ce sont des conflits familiaux qui resurgissent parce que chaque acteur a eu de quoi pouvoir se venger de l’autre. Enfin il faut dire que plusieurs cas de litige mal réglés par les chefs coutumiers, les religieux ou les conseillers sont à la base des règlements de compte. La question religieuse vient revêtir tous ces aspects pour lui donner une autre dimension.

Pour finir !

Comme mot de la fin, il faut que l’état crée les conditions nécessaires pour fixer les jeunes dans leur terroir en créant des emplois et des infrastructures qui vont désenclaver la zone. Aussi travailler à relever le taux de fréquentation à l’école.
De nos jours, plusieurs projets interviennent à Djibo afin d’apporter de l’aide aux populations. Cependant après l’urgence humanitaire, il faut penser à l’avenir, ne pas permettre aux populations de tomber dans l’assistanat continuel.

Interview réalisée par Roger SAWADOGO www.lesoleil.bf.

>> Notre équipe

Newsletter

Proverbe Le vivre ensemble

« Il est malheureux que les gens ne voient que les différences qui les séparent. S'ils regardaient avec plus d'amour, ils discerneraient surtout ce qu'il y a de commun entre eux, et la moitié des problèmes du monde seraient résolus. " (Paulo Coelho) »