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A la suite de l’attaque terroriste de Ougarou-Boungou, le président du Faso a lancé un appel à mobilisation de volontaires aux côtés des Forces de défense et de sécurité (FDS) le 7 novembre dernier. Une démarche qui montre tout le sérieux que l’exécutif burkinabè met sur la question terroriste désormais. Nous avons voulu faire le bilan de ce mouvement quatre mois après son " lancement informel à Kongoussi ".

Le président du Burkina Faso, Roch Marc Christian Kaboré, a annoncé jeudi…2019 le recrutement de volontaires en soutien aux forces armées nationales pour combattre le terrorisme. Il l’a fait dans un discours à la nation au lendemain l’attaque armée qui a visé mercredi 6 novembre 2019 dans l’Est du pays un convoi transportant des travailleurs, entrepreneurs et fournisseurs de la mine d’or de SEMAFO SA, sur l’axe Ougarou-Boungou. Un attentat de plus dans cette région Est en proie à des actes d’hommes armés non identifiés (HANI) qui a fait trente-huit (38) morts et une soixantaine de blessés selon un bilan officiel. Face à l’ampleur de la situation le président KABORE était bien obligé de décréter un deuil national de 72 heures."J’engage les Forces de Défense et de Sécurité à traquer et combattre, sans concession, les terroristes et tous leurs complices et appelle notre Peuple à la mobilisation générale contre le terrorisme", avait-t-il lancéé. Avant de poursuivre, "dans ce sens j’ai ordonné le recrutement de volontaires pour la défense dans les zones sous menace".

Une suite d’une initiative d’individus
Aly NANA est celui qui a incarné la Résistance aux attaques terroristes au Burkina Faso. Avec des camarades comme Rabo Salam, …ils ont lancé le 05 octobre dernier à KONGOUSSI l’appel aux populations à la Résistance. A l’occasion plus d’un millier de personnes sont venues pour entendre le ras-le-bol de ceux qui partagent la même douleur qu’eux. La semaine d’avant, une furie meurtrière a déferlé sur la localité de Zimtenga et environs. Des chrétiens et des chefs de famille ont été menacés et parfois tués. Ceux qui ont échappé et n’ont pas vu leurs agresseurs ont eu la vie sauve en quittant cette zone pour KONGOUSSI bravant plus de vingt kilomètres pour certains.
Des populations sont venues à l’occasion de tous les quatre recoins de la région du Centre-Nord pour écouter l’appel du coordonnateur du mouvement populaire de résistance. Avec ses aînés et camarades d’enfance " et les membres des structures endogènes d’auto-défense, Aly a d’abord testé la capacité de mobilisation des populations locales avant d’organiser le jamboree à la grande place publique de Kongoussi sur l’axe DJIBO-KONGOUSSI. Bien avant des réunions clandestines ont été organisées dans les secteurs de Kongoussi afin d’éviter des infiltrations de personnes malveillantes. Démarche politique ? " Je peux vous confier que nous n’avons bénéficié du soutien d’aucun parti politique pour organiser cette activité. Mon idée est venue suite à la dégradation du climat sécuritaire (…) j’en appelle à notre sens du patriotisme et à la mise en exergue de nos valeurs endogènes ", nous a-t-il confié. Aly NANA propose que ces volontaires recrutés soient mis à la disposition du ministère de la Défense pour être encadré et équipés. Il suggère que le tout se fasse dans la discrétion. Lui est optimiste car ce pays a connu une révolution et a des valeurs de courage, de résistance et de patriotisme.
A Kongoussi, le Mouvement populaire de la résistance a reçu le soutien de d’autres structures comme le " Balai citoyen ", le collectif des artistes musiciens de la région, " deux heures pour kamita " …Des manifestations similaires ont été plus tard organisées par d’autres structures dans des villes différentes. On peut concéder à Aly NANA la primauté du mouvement de la résistance.

Quel bilan ?
Les attaques dans la région du Centre-Nord n’ont pas manqué depuis le lancement du Mouvement. Il s’est surtout posé la question du mode de recrutement des volontaires. Un problème qui a été par la suite réglé en conseil des ministres du lundi 16 décembre 2019. Dans certaines localités du Burkina des structures informelles encadrées par l’Armée avaient été mise en place du fait de la récurrence des attaques terroristes… " Dans certaines zones du Sahel, certaines populations ont pu revenir parce que ces structures informelles de résistance mise en place et encadrées par l’armée ont pu rassurer ", nous a confié S.B, un habitant de la région.
Le décret présidentiel encadrant cette structure va-t-il mettre fin aux velléités déviationnistes qui peuvent entacher de tels mouvements ? N’y a-t-il pas de risques que ces jeunes se révoltent contre la république ? Les HANI ne trouveront-il pas là leurs ennemis à abattre si la discrétion n’est pas de mise. Des bandits ou des personnes mal intentionnées ne vont-elles pas s’y réfugier ? " Nous veillons à ce que tout cela n’arrive pas ", a rassuré une source sécuritaire qui a préféré garder l’anonymat.
Depuis 2015, le Burkina Faso fait face aux attaques terroristes attribuées aux groupes armés sévissant, notamment, au Mali voisin. D’abord concentrées dans le Nord du pays, elles ont ensuite frappé la capitale et d’autres régions, notamment l’Est ou encore l’ouest à la frontière avec le Mali. Face à ces violences et autres attaques terroristes, un état d’urgence avait été instauré fin décembre 2018 dans 7 des 13 régions du pays. Une mesure qui a été prolongée de 6 mois depuis juillet et qui sera en vigueur jusqu’au 12 janvier 2020.
Jusque-là, le recrutement de volontaires se fait dans la discrétion la plus totale. Un démarrage qui fait dire que ces volontaires discrets pourront faire preuve d’efficacité les jours qui suivent. Il serait grand temps car les HANI écument nos localités et endeuillent des familles au nombre desquels des civils et des hommes de tenue. Jusqu’à quand devrions-nous attendre le mutisme de ces volontaires quand le robinet de sang continue de couler ? Camille OUEDRAOGO.
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Les propositions d’un citoyen
Panorama des erreurs à éviter

1. La précipitation ou l’improvisation : Il est indéniable que le temps presse. Mais la question des Volontaires pour la Défense doit être traitée avec la plus grande rigueur. L’une des premières mesures à prendre (si ce n’est déjà fait, le Conseil des ministres du lundi 16 décembre 2019), consistera à la définition de la base légale à travers laquelle ces volontaires seront régis. Il faut absolument un décret portant " statut des Volontaires pour la Défense ". Ce texte devra définir son champ d’application, préciser les droits, obligations et la protection juridique des volontaires, clarifier les modalités de recrutement et de formation, la hiérarchie et les relations avec l’autorité militaire, la discipline, la cessation de l’état de volontaire,…

2. La généralisation de la mesure à toutes les zones touchées : Le recrutement des volontaires ne saurait concerner toutes les zones en même temps. Il faut nécessairement une cartographie actualisée de la menace afin de circonscrire la levée des volontaires à des zones pilotes le temps d’évaluer l’efficacité de l’approche et d’opérer des changements stratégiques et opérationnels si nécessaire. Il est vrai que de nombreuses régions du pays sont touchées par les attaques terroristes. Mais il faut savoir raison garder et ne pas agir sous le coup de l’émotion.

3. La récupération politique : Comme les dernières attaques terroristes l’ont démontré, les terroristes n’ont cure du bord politique, de l’appartenance religieuse, ethnique, sociale,… Leur objectif, c’est de faire le maximum de victimes et d’installer la chienlit dans le pays. Face à un tel tableau, l’union sacrée autour de la nation à laquelle le Président du Faso a appelée, est plus que jamais nécessaire. La question des Volontaires pour la Défense ne saurait donc être l’objet de récupération ou de marchandage politique. Personne n’aura d’avenir si le pays sombre entre les mains des terroristes. C’est donc le moment de mettre les divergences de quelque nature quelles soient en veilleuse pour ne considérer que l’intérêt supérieur de la nation. Les hommes politiques actuels de la majorité ou de l’opposition passeront. Mais le pays lui, doit demeurer. Les appels à la démission du Président actuel relèvent donc de l’incurie. Le terrorisme ne doit pas être un fonds de commerce pour des politiciens en perte de vitesse.
4. L’attentisme : Les terroristes font chaque jour un peu plus de victimes car ils attaquent toujours le Burkina Faso par surprise. Il faut donc quitter la posture de la réaction pour prendre l’initiative. Devant être au sein des villes et villages, les VD pourront fournir de précieuses informations aux FDS pour leur permettre de débusquer et de mette hors d’état de nuire les terroristes avant qu’ils ne passent à l’acte. Ni l’Etat, ni l’armée burkinabè ne sont en déliquescence. Il faut juste adapter la stratégie de lutte et travailler sans relâche à un meilleur maillage du territoire. Parlant justement de maillage, les terroristes pourraient être enclins à changer de zone ou de mode opératoire s’ils se rendent compte que la résistance s’organise en un endroit donné. Il ne faut donc en aucun cas baisser la garde. Les FDS doivent être en alerte permanente et maximale sur toute l’étendue du territoire. La guerre est entrée dans une nouvelle dimension. Les attaques vont se multiplier et s’intensifier.
5. Le manque de coordination avec les FDS : Les volontaires pour la Défense doivent être des auxiliaires des FDS. Ils ne doivent en aucun cas se substituer aux forces républicaines ou se transformer en milices pour terroriser davantage les populations. C’est pour cette raison qu’ils doivent faire l’objet d’enquête de moralité et être placés sous la chaine de commandement militaire.
6. La surmédiatisation : La formation et le déploiement des VD doivent se faire dans la discrétion. Les terroristes ayant des yeux et des oreilles partout, ils peuvent rapidement torpiller l’initiative.
7. La démoralisation des VD : Le Président du Faso a lancé un appel au sursaut patriotique. Tous ceux qui répondront favorablement ne doivent pas être l’objet de railleries, de dénigrement ou d’ostracisme. Ils doivent au contraire bénéficier du soutien de l’ensemble de la nation car c’est au nom d’elle qu’ils sont engagés. L’opérationnalisation des VD nécessitera d’importantes ressources financières et matérielles. Les Burkinabè doivent accepter participer à l’effort de guerre. Les drames n’arrivent pas qu’aux autres. L’heure doit être à la résistance générale. Au niveau individuel, chacun peut entrer en résistance contre ses propres penchants mauvais, à travers la musique, l’écriture, la prière, les publications sur les réseaux sociaux,…
8. La corruption et le détournement de fonds : Les fonds qui seront alloués dans le cadre de la levée des volontaires doivent être gérés de la manière la plus loyale et la plus transparente possible. Des individus ne doivent pas y trouver l’occasion de s’enrichir en toute impunité. Les volontaires devraient être rétribués à la hauteur de leur engagement. Avec le lancement de cette initiative, il faut être conscient que les terroristes vont aussi de leur côté faire monter les enchères. Ils feront des offres mirobolantes aux jeunes afin d’en recruter beaucoup plus. Il faudra donc travailler à offrir des perspectives durables aux jeunes tout en luttant énergiquement contre leur radicalisation.
La liste pourrait être rallongée à souhait. Mais cela ne servirait à rien. Il faut aller à l’essentiel. Le pays tangue de part et d’autre. La situation est préoccupante. Qu’à cela ne tienne, les Burkinabè, en hommes valeureux, sauront puiser aux tréfonds d’eux mêmes les armes nécessaires pour une victoire héroïque contre les forces obscurantistes. La voix est tracée.
Jérémie Yisso BATIONO
Enseignant chercheur

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