Fédération des Syndicats Nationaux des Travailleurs de l’Education et de la Recherche (F-SYNTER)IIè CONGRES ordinaire tenu les 24,25 et 26 marsDéclaration sur la situation dans l’éducation et la rechercheLa situation dans l’éducation et la recherche au Burkina Faso est plus que préoccupante. Véritablement, le système n’a jamais été aussi dans un tel état de décrépitude. Introduite à l’origine par le colonisateur, cette école, à l’instar de celles des autres colonies, avait pour objectif principal de doter l’administration coloniale de cadres subalternes et de promouvoir la langue, la pensée et les intérêts de la métropole. La proclamation de l’indépendance formelle n’a pas permis d’opérer une rupture fondamentale ni dans la conception, ni dans l’organisation du système éducatif afin d’en faire un levier essentiel de développement du pays en l’adaptant aux réalités en lui assignant comme vocation principale la formation d’un citoyen type nécessaire à la réalisation d’un projet de société viable pour le pays. Même, si l’on a noté l’entrée de cadres nationaux dans l’action éducative, le système restera pour l’essentiel caractérisé par : -un développement embryonnaire du système ; -des réformes diverses dont celles de 1961, 1967, de 1979, la tentative de 1986 sans qu’elles n’opèrent une vraie rupture ; -une absence d’évolution aussi bien au plan des orientations politiques que des méthodes pédagogiques ; -etc. Toutefois, le système comportait des aspects favorables à la scolarisation des enfants du peuple.
Il s’agit entre autres de cantines scolaires au primaire, d’internats au secondaire et/ou l’offre de bourses scolaires au secondaire et au supérieur, la mise à disposition gratuite de manuels. C’est dans ce contexte qu’interviendra le tournant majeur de 1991 qui consacre l’entrée dans les Programmes d’ajustement structurel (PAS) sous la houlette des institutions financières internationales avec pour crédo la libéralisation des secteurs sociaux. Le rapport de la Banque Mondiale de novembre 1987 intitulé « l’éducation en Afrique subsaharienne : pour une stratégie d’ajustement, de revitalisation et d’expansion » en fixe les orientations pour ce qui relève de l’éducation en ces termes : « le programme d’ajustement du système d’éducation et de formation comportera deux volets : diversification des sources de financement et maîtrise des coûts unitaires » (BM, 1987 p.96). Tous les régimes qui se sont succédés au Burkina Faso depuis lors, se sont employés, avec cynisme , à faire de ces orientations, leur bréviaire en matière d’éducation et de recherche et à leur application. Cette vision néolibérale amplifiera les problèmes de l’éducation et la recherche en consacrant une privation outrancière dans les ordres. Cela engendrera des conséquences énormes tels : le manque criard d’infrastructures ; le manque de personnel en nombre et suffisamment qualifié ; une forte dégradation des conditions de vie et de travail des travailleurs et des apprenants ; une très faible efficacité interne et externe ; une faible allocation de la part du budget national à l’éducation et la recherche ; un taux de scolarisation bas avec plus de la moitié des enfants en âge de scolarisation qui sont hors du circuit scolaire ; le chevauchement des années universitaires ; etc. Outre cette politique aux conséquences désastreuses, le système éducatif sous le pouvoir du MPP et alliés a été malmené par diverses actions le mettant davantage dans la tourmente.
A l’analyse, l’éducation et la recherche ont marqué de graves reculs et cela s’illustre par les éléments ci-dessous : •la mise en œuvre de réformes réactionnaires dont les plus emblématiques sont : -le recrutement de personnels sans statut et sans formation initiale ; -la suppression des sujets au choix de disciplines des examens ; -la suppression des examens blancs qui constituaient des moments de préparation des candidats à leur examen ; -la relecture des textes portant sur l’octroi de l’aide aux étudiants ; -le rattachement de l’organisation du Baccalauréat au MENAPLN ; -l’organisation d’assises nationales sur l’éducation dans l’optique de renforcement des reformes dont notamment l’alourdissement de la charge de l’éducation par les parents ; •une répression digne d’Etat d’exception abattue sur les acteurs de l’éducation et la recherche dont : -celle contre les élèves en mai 2021 ayant occasionné la mort d’un élève, la charge des étudiants à Bobo en janvier 2022 avec des blessés par balles réelles ; -la suspension de salaires de plus de 700 travailleurs en mars et avril 2020 ; -les affectations arbitraires et le relèvement de leur poste de responsabilité de travailleurs pour appartenance syndicale ; -les tracasseries multiformes contre des responsables syndicaux ; -la fermeture des lycées Philippe Zinda de Ouagadougou et du départemental de Bissiga ; -le rejet des dossiers de renouvèlement de l’aide pour des milliers d’étudiants. •une mauvaise gouvernance Celle-ci s’est caractérisée par la gabegie, les détournements, la corruption, le favoritisme depuis le niveau central et déconcentré. Le Ministre de l’éducation nationale lui-même a révélé qu’environ 70 infrastructures scolaires se sont effondrées sous l’effet des intempéries entre mai et juillet 2021. Quant à la presse, elle a fait cas de diverses dilapidations des ressources financières au sein du département. Ainsi, Le Reporter N° 293 du 1er au 14 septembre 2020 affiche à sa Une « 6 milliards de gré à gré en 29 marchés dans le cadre du plan de riposte Covid-19 du MENAPLN ». Dans son N°311 du 1er au 14 juillet 2021, il affiche à sa Une « Enseignement post-primaire et secondaire général : de faux ordres de missions établis pour s’offrir indûment des frais ». Le Courrier N°228 du 5 mars 2021 lui, révèle que dans le cadre de la « gestion du carburant au Ministère de l’éducation nationale : plus de 185 000 000 F/CFA dépensés sans base légale ». L’Observateur Paalga » dans sa parution N°10556 du 16 mars 2022 à sa Une, écrit « Lycée scientifique de Ouahigouya, en état de délabrement avant la réception définitive ».
De nombreuses crises ont leur cause dans cette mauvaise gestion des établissements et services. •Une incapacité à juguler les effets catastrophiques de la crise sécuritaire sur le système éducatif matérialisée par la fermeture de 3683 écoles fermées dénombrées en fin février 2022, plus de 700 000 mille élèves mis hors des classes, une douzaine de personnes de l’éducation tués, etc. Sous le MPP, les autorités se sont plus préoccupé de la division et de la répression des organisations des travailleurs, élèves et étudiants en particulier celles combatives que d’asseoir le développement d’une éducation de qualité accessible aux enfants des masses laborieuses. Sans risque de se tromper, la déliquescence du système éducatif a atteint un niveau plus qu’inquiétant aujourd’hui. Contre ce sort extrêmement préoccupant fait à l’éducation et la recherche, les acteurs s’organisent et se battent. C’est dans ce registre que s’inscrivent les grandes luttes des travailleurs en 2017, 2018, 2019 mobilisés au sein de la Coordination nationale des Syndicats de l’éducation (CNSE), des élèves en mars et mai 2021, des étudiants en 2022, etc. Sans ces actions, la situation serait encore plus catastrophique. Il n’est un secret pour personne que la voie pour sortir le pays de son sous-développement et de son arriération est bien évidemment celle de l’éducation et de la recherche. Pour ce faire, il est urgent de : 1. abandonner l’application des PAS dans l’éducation et la recherche avec des conséquences désastreuses dont la privatisation, la dégradation des conditions de travail, etc. ; 2. créer les conditions de développement d’une école démocratique et populaire de qualité ; d‘assurer une alphabétisation aux masses laborieuses ; etc. ; 3.ouvrir le plus vite tous les établissements fermés en jugulant la crise sécuritaire, une des causes de cette situation ; 4. mettre en œuvre les engagements pris avec les organisations syndicales ; 5. développer des actions de défense d’un système éducatif de qualité accessible à tous.Ouagadougou le 26 mars 2022.
Le congrès