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Défécation a l’air libre
Il faut changer les habitudes

D’ici à l’horizon 2030, le Burkina Faso doit mettre fin au phénomène de la défécation à l’air libre (DAL). La date avance à grand pas. Nous avons voulu comprendre les obstacles à l’application de cette mesure d’hygiène publique et de salubrité dans la région du Centre-Nord.

" Je le dis tout net, la pauvreté est la raison de la non application de cette mesure (ndlr, construction de toilette dans les ménages) ", affirme Karim OUEDRAOGO, paysan dans le village de Pissila. Il n’est pas seul à penser cela dans le village lors de notre passage.
Quelles sont les raisons d’un tel retard ? Nous avons parcouru la région du Centre-Nord. De notre démarche, il ressort que les chefs de ménage, du fait de la pauvreté ambiante et aussi de l’ignorance, se contentent de construire les autres bâtiments dans la cour familiale mais prétexte être incapables de construire des toilettes. Les habitudes sont tenaces ! Les normes sociales africaines n’intégrant pas des toilettes de types modernes. En Afrique noire de façon générale, c’est la défécation à l’air libre qui est pratiquée. " Les enfants peuvent déféquer non loin de la cour familiale. Ce n’est nullement un problème. Ce sont les adultes qui se sentent l’obligation d’aller dans les bois pour se soulager ", affirme Fanta Karantao, ménagère à Korsimoro. Comment se débrouillent les femmes ? Selon ses dires, en Afrique traditionnelle les femmes se doivent d’aller encore plus loin. " Elles se font généralement accompagner dans les bois par une amie ou encore une personne plus âgée ", ajoute-t-elle.
Il y a une course contre la montre car le dead ligne est à deux doigts. Ainsi, la pression est sur les autorités en charge de la Santé et de l’Eau assainissement dans notre pays. Le Burkina Faso en effet, a pris l’engagement de mettre fin à la défécation à l’air libre d’ici 2030. Cette date limite avance pourtant les habitudes ne tendent pas à changer.

L’os de la pauvreté
" Agrandir sa cour familiale reste un défi pour la plupart des ménages, c’est pourquoi les toilettes ne sont pas prioritaires ", nous a confié Rasmané Sebgo au Sanmatenga. Dans certains cas, ce sont les ménages moyens qui ont des toilettes. Et celles-ci servent à plusieurs ménages voisins. On est encore loin d’une moyenne d’une toilette par ménage ", ajoute-t-il.
Pour le vieux Karim OUEDRAOGO, " l’échec est beaucoup plus dû à un attachement à des normes sociales qu’à un dénuement des ménages ".

Des initiatives

Dans cette perspective, l’Unicef a appuyé le ministère en charge de l’eau et de l’assainissement pour un projet pilote sur l’Assainissement Total Piloté par la Communauté (ATPC) dans 2 régions du Burkina Faso. Cette approche, sans aucune subvention aux ménages, a été testée en 2015 et au vu des résultats encourageants du projet pilote, elle est actuellement mise en œuvre dans trois régions du Burkina Faso, le Sahel, l’Est et le Centre Ouest.

Au Burkina Faso, la défécation à l’air libre (DAL) reste un fléau difficile à endiguer. La pratique est d’autant plus problématique qu’elle a un fort impact sur la santé, la nutrition, le bien-être et la dignité des enfants et des femmes. La présence de matières fécales dans quasiment l’ensemble des localités du pays est une véritable menace à la santé publique pour les enfants Burkinabè, avec, pour conséquences des maladies diarrhéiques et parasitaires, des maladies respiratoires ainsi que la détérioration de leur état nutritionnel.
Par le passé, le Burkina Faso avait cherché à faire subventionner et construire des latrines par le gouvernement, des ONG ou des bailleurs de fonds. Mais cette approche n’a pas réussi à emporter l’adhésion des populations et l’assainissement n’a connu que très peu de progrès. Entre 2000 et 2015, l’assainissement en milieu rural au Burkina Faso n’a augmenté que de 2 à 12 %. (JMP 2017)

Engagement de la communauté

La stratégie utilisée par l’UNICEF est par excellence celle du Communication pour le développement (C4D). Dans la démarche ATPC, la communauté doit être informée, sensibilisée, convaincue et finalement prendre l’engagement de construire des toilettes. " Il faut les faire prendre conscience de ce qu’elles gagnent en abandonnant leurs habitudes ", conseille un spécialiste du changement pour le développement qui a préféré garder l’anonymat. L’ATPC est une approche communautaire qui a pour objectifs de susciter le besoin de changement à travers une évaluation, une observation et une analyse des pratiques de la DAL et des conséquences qui en découlent, susciter des sentiments de honte et de dégoût de mettre un terme à la DAL, de ne pas imposer de solutions technologiques, mais accompagner la prise de décision et la recherche de solutions au niveau des ménages et des communautés
Depuis 2015, l’Unicef a déjà financé différents projets d’assainissement qui utilisent l’ATPC pour déclencher la prise de conscience communautaire. Ces projets ont été mis en œuvre par différentes ONG :
 APS (Association pour la Paix et la Solidarité) : 43 villages et 130 communautés dans la province de la Sissili au Centre Ouest pour 2016 et 2017
 SNV (Organisation Néerlandaise de Développement) : 187 villages et 176 communautés dans les provinces de Gourma et Kompienga de la région de l’Est en 2016 et 2017
 DRC (Conseil Danois pour les Réfugiés) : 75 villages et 182 communautés dans la province du Soum de la région du Sahel en 2016 et 2017
 OXFAM Intermon : 31 villages et 182 communautés dans la province du Seno de la région du Sahel en 2016 et 2017

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes
 Le taux de défécation à l’air libre en milieu scolaire est de 62%.
Seulement 23% de la population a accès à des installations sanitaires améliorées
48% de la population pratique la DAL : 7% en milieu urbain, contre 65% en milieu rural
Il s’agit d’une opportunité pour aider le pays à progresser en matière d’assainissement de base en milieu rural, avec peu de moyens financiers requis et l’accent mis sur la nécessité d’un changement de comportement.
Camille OUEDRAOGO.

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