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Publier le 11 février 2020

Dans cette réflexion, j’aimerais présenter la pensée théologique du livre « Des profondeurs de nos cœurs » pour permettre à chacun de mieux comprendre le message des deux Prélats, face à la théologie de l’intoxication.

Comment comprendre le prêtre dans l’Ancien Testament ?

Selon Joseph Ratzinger, dans l’Ancien Testament, le sacerdoce lié au Temple était héréditaire. Les prêtres étaient d’une famille sacerdotale. Le sacerdoce était réservé de manière exclusive et radicale à la tribu d’Aaron-Levi. C’est pourquoi, David le grand roi n’était pas prêtre car il n’était pas de la lignée sacerdotale. On avait donc dans l’Ancien Testament, le Grand prêtre, les prêtres et les lévites. Il faut relever que le lieu de la présence de Dieu dans l’Ancien Testament est le Temple où se trouve l’Arche d’Alliance.

Quelle est la différence entre la tribu sacerdotale et les autres tribus d’Israël ?

Dans l’Ancien Testament, les prêtres avaient pour vocation de se consacrer radicalement à Dieu, de faire don de leur personne à Dieu. Pour marquer ce détachement, ils n’avaient pas droit à la terre. Pourtant, nous savons tous que la terre fait partie des trois promesses que Dieu a faites à Abraham en Gn 12,1-1. La terre est donc très importante chez les Juifs. Le fait de posséder une portion de la terre promise constitue une participation à la promesse de Dieu et surtout être considéré comme un véritable descendant d’Abraham. Mais la tribu de Lévi seule ne possède pas de terre car c’est Dieu son héritage, c’est en Dieu qu’elle trouve son bonheur. Le théologien Ratzinger (Pape émérite) emploie les paroles du psaume 16 pour illustrer ce détachement : « Le Seigneur est ma part d’héritage et mon calice…….La part qui me revient fait mes délices ; j’ai même le plus bel héritage » (Ps 16,5-6). Les prêtres vivaient uniquement de l’amour de Dieu, c’est pourquoi les offrandes réservées à Dieu leur revenaient. Retenons ici l’esprit de don et de détachement pour vivre en Dieu et de Dieu seul.

Dans l’Ancien Testament, les prêtres étaient-ils mariés ?

Il faut comprendre le célibat sacerdotal à partir de l’Ancien Testament. Beaucoup situent le célibat dès le onzième siècle sans remonter dans les Écritures. Là aussi nous sommes bien servis par le pape émérite. Dans l’Ancien Testament, les prêtres étaient mariés mais ils observaient l’abstinence durant les périodes pendant lesquelles ils étaient en service au Temple pour le culte, car les prêtres étaient de service de manière tournante (c’est ce qu’on appelle l’abstinence sexuelle périodique). Nous trouvons cela avec Zacharie. Donc « la relation entre l’abstinence sexuelle et le culte divin » existait déjà dans l’Ancien Testament. Ici ce qu’il faut retenir est qu’il y a une compatibilité entre le mariage et le sacerdoce parce que les prêtres ne servent au temple que périodiquement.

Peut-on affirmer qu’il y a un lien entre le sacerdoce dans l’Ancien Testament et les ministères ordonnés dans l’Église ?

Dans le Nouveau Testament, dans les évangiles, nous avons des disciples et un noyau de douze choisi par le Christ et parmi ces douze nous en avons un qui est détaché, Pierre. Lorsque nous étudions la question des ministères dans le Nouveau Testament, cette organisation mise en place par Jésus lui-même nous permet de dire qu’à l’instar du peuple de l’Ancien Testament organisé par Dieu lui-même, celui du Nouveau Testament n’a pas été abandonné dans le désordre. Le pape émérite nous aide à comprendre le sacerdoce dans l’Ancien Testament de manière christologique et pneumatologique. Si en Jésus tout s’accomplit, si en lui tout se renouvelle, si sa Personne devient un départ nouveau, il assume donc en lui le culte ancien et il fait naître un culte nouveau. Si le Temple de l’Ancien Testament est détruit et que Jésus devient le Temple nouveau, en lui naissent les ministères ordonnés : Évêque, prêtres et diacre qui s’identifient au Grand prêtre, prêtres et lévites.

Quels sont les éléments communs entre les prêtres de l’Ancien Testament et les prêtres dans l’Église ?

Je vais relever quelques éléments liés à notre sujet. D’abord au niveau du don de soi. À l’instar du prêtre de l’Ancien Testament, le prêtre dans l’Église doit se donner radicalement à Dieu et à Dieu seul. Ici il y a un dépassement au niveau du prêtre du nouveau peuple de Dieu, l’Église. Il est appelé au sein du peuple et par le sacrement de l’ordre il devient un autre Christ à la célébration de l’Eucharistie. Il est appelé à tout abandonner pour le Christ comme le Christ s’est totalement donné à Dieu son Père.
D’un point de vue christologique, le prêtre représente le Christ dans communauté, il rappelle à cette communauté la place du Christ tête et époux de l’Église. C’est pourquoi le prêtre est celui qui préside. Tous concélèbrent et lui seul préside. Au niveau ecclésiologique, comme l’a si bien démontré le Cardinal Sarah dans la deuxième partie de son livre, l’Église est née à la croix du côté transpercé du Christ. C’est pourquoi, le Christ est non seulement la tête de l’Église mais aussi son époux. Voilà pourquoi le Christ se donne totalement pour son Église comme un époux. Si le prêtre est un autre Christ, si le prêtre tient sacramentellement la place du Christ dans la communauté, il devient l’époux de l’Église qui est son épouse qu’il doit aimer en se donnant totalement. Comme le prêtre de l’Ancien Testament qui n’a pas de terre, celui dans l’Église se détache de la femme, du mariage. On ne peut pas se donner à Dieu sans se détacher de quelque chose de valeur, quelque chose qui fait partie de notre être.

Si l’Église est l’épouse du prêtre, peut-on avoir des prêtres mariés ?

Si nous restons dans la logique christologique et ecclésiologique, le prêtre ne peut pas se marier et un marié ne peut pas être prêtre.

Pourquoi une telle affirmation radicale ?

A l’instar des prêtres de l’Ancien Testament qui se détachaient de l’héritage de la terre et observaient l’abstinence sexuelle, dès les premiers siècles, les prêtres observaient aussi l’abstinence sexuelle périodique jusqu’à ce qu’au concile d’Elvire en Espagne en l’an 300 une recommandation fut clairement définie dans l’Église. En 1132 mais surtout en 1139 au deuxième concile de Latran, par rapport à plusieurs abus mais aussi considérant les éléments théologiques et pratiques, le célibat sacerdotal devint une règle dans l’Église latine. Il faut dire que contrairement aux prêtres de l’Ancien Testament, les prêtres de l’Église célèbrent l’eucharistie chaque jour, ils sont en état de service de manière quotidienne, ils se donnent de manière exclusive chaque jour à Dieu.
Dès lors il est tout à fait normal qu’ils se débarrassent des autres liens, voilà pourquoi nous sommes passés de l’abstinence sexuelle périodique et fonctionnelle à une abstinence ontologique. C’est à dire un lien entre intrinsèque entre le célibat et le sacerdoce ministériel.
Au regard du développement ci-dessus nous sommes passés de l’abstinence fonctionnelle à une abstinence ontologique qui conduira à un lien ontologique entre le célibat et le sacerdoce. Si nous considérons que le prêtre est un autre Christ qui doit totalement se donner à Dieu et à l’Église, nous ne pouvons pas faire du célibat une simple discipline liée à une fonction. Le célibat est plus qu’une simple norme.

Les pasteurs et certains prêtres orthodoxes et catholiques orientaux se marient mais servent aussi le Christ ?

Le pasteur protestant n’est pas un prêtre. Les protestants et les catholiques n’ont pas une même vision de l’Église, des ministères et du sacerdoce. Chez les orthodoxes et même les catholiques orientaux, on choisit les évêques parmi les prêtres non mariés, parmi les moines. Nous trouvons donc déjà une petite différence au sein d’une même Église.

Il ne peut donc pas y avoir de lien entre les sacrements du mariage et de l’ordre ?

Dans le sacrement de mariage on se donne totalement à l’autre. On ne se donne pas à moitié. Dans le sacrement de l’ordre on ne se donne pas aussi à moitié. Celui qui comprend bien le sens de ces deux sacrements ne peut pas exiger l’ordination des hommes mariés parce que le marié prêtre ne pourra pas à la fois se donner totalement à l’Église et à sa femme. Il négligera un.

Que retenir ?

J’invite d’abord chacun à lire le livre du Cardinal Sarah avant de juger ses positions. Le Cardinal ne remet pas en cause la Tradition de l’Église, il n’invente rien, il actualise la doctrine déjà présente et reprise du pape Pie XI jusqu’au pape François (Lire Pie XI et l’Encyclique Ad Catholici Sacerdotii, Pie XII et l’Encyclique Sacra Virginitas, Jean XXIII et l’Encyclique Sacerdotii nostri primordia, Paul VI et Sacerdotalis caelibatus, Jean-Paul II et Pastores dabo vobis, Benoît XVI et Sacramentum Caritatis). Le Cardinal Sarah ne tombe pas dans un relativisme. Par ailleurs, en mettant en avant la question de l’Eucharistie, de l’absence de la messe, comme argument pour ordonner les mariés en Amazonie, je pense avec le Cardinal Sarah que beaucoup de pasteurs et théologiens doivent faire l’expérience de la mission en Afrique.
Nous avons encore des communautés sans prêtres. Quand les missionnaires sont arrivés en Afrique, ils ont organisé les communautés. Les villages ne revendiquaient pas l’ordination des mariés pour vivre chrétiennement. Ils priaient le maître de la moisson de leur donner des prêtres. Dans mon village à Yaobou, chaque jour à la prière du matin, les parents disaient à la fin : « Seigneur donne-nous des prêtres, Seigneur donne-nous des saints prêtres ».
On prie pour les vocations sacerdotales, on ne bricole pas. Aujourd’hui encore en Afrique ce sont les laïcs engagés formés qui tiennent les communautés chrétiennes dans les villages. Nous pouvons faire de même en Amazonie. De même, ceux qui luttent pour l’ordination des hommes mariés, réfléchissent sans penser aux épouses et aux enfants comme le développe si bien le Cardinal Sarah. Notons que le célibat et la pauvreté sont liés. Il est vrai quand on est dans les pays où le prêtre a un salaire de fonctionnaire, on ne comprend pas la vie du prêtre. En Afrique, nous avons des prêtres qui vivent dans la pauvreté extrême dans des villages reculés. Au nom de quelle théologie soumettra-t-on une épouse et des enfants à la pauvreté parce qu’on veut pallier à un besoin ?
Aujourd’hui, beaucoup de prêtres et de familles attendent de l’Église un soutien spirituel dans les choix qu’ils ont fait. Les prêtres dans leur célibat ont besoin de soutien, les couples ont besoin d’aide pour mettre en pratique le sens du sacrement de mariage.
Le monde d’aujourd’hui a besoin d’un témoignage fort de la part de ceux qui vivent le célibat sacerdotal et des couples qui vivent la fidélité. Ce qui est important c’est comment être fidèle au choix qu’on a fait. Aussi il faut relever que le problème en Amazonie peut être résolu par l’envoi de missionnaires, clercs comme laïcs eux- mêmes convaincus, qui pourront porter le Christ aux Amazoniens sans préjugé et sans autre calcul. Je partage donc pleinement la pensée de Benoît XVI et du Cardinal Sarah parce qu’elle est fidèle à la ligne doctrinale de l’Église.

Père Marius Hervé Djadji : Prêtre du diocèse de Yopougon (Côte d’Ivoire).
Docteur en théologie dogmatique
Contact : lajoiedeprier.nguessan@yahoo.fr

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